Mes jeunes années dans l'Armée de l'Air.(Suite 3)

Sur la voie de garage…

L'été 1945 passa un peu comme une villégiature pour moi. La guerre était finie et comme la plupart d'entre nous, j'attendais mon affectation dans une école de pilotage, puisque c'était dans ce but que nous nous étions engagés. Malheureusement, nos espoirs ne se voyaient guère réalisés. En Octobre 45, quelques uns , dont moi, se virent désignés pour aller faire un stage de spécialisation de comptabilité… en attendant l'ouverture des écoles de pilotage. Plus tard, je sus que certains partirent aux USA à cette période , mais ceux-là avaient des connaissances en Anglais, ce qui n'était malheureusement pas mon cas.
On nous argumenta que cette spécialisation temporaire nous permettrait de monter assez rapidement au grade de sergent, avec une solde intéressante. Comme je n'avais guère d'autre choix, j'obtempérais donc !
Et nous voilà une poignée de jeunes désillusionnés affectés à une " Ecole de Comptabilité de l'Air " qui se situait à Bias, localité du Lot-et-Garonne, près de la ville de Villeneuve-sur-Lot.

Premier long périple pour moi, qui me donne l'occasion de voir pour la première fois la Capitale. Nous avons la chance d'y visiter une très importante exposition des avions de la 2ème Guerre Mondiale, sur le Champ de Mars . Il y a là toute une panoplie de bombardiers, de chasseurs Américains Anglais et Français. C'est vraiment impressionnant pour moi qui n'ai eu l'occasion de voir que les rares petits appareils qui faisaient escale à Courlaoux.
Puis nous descendons vers le sud. L'arrivée à Bias ne nous donna pas une bonne impression ! Ce camp avait été construit avant guerre je crois, et avait servi à l'hébergement de réfugiés Espagnols dans un premier temps. Pendant l'Occupation Allemande, il servait à l'internement de tout ce que le régime de Vichy arrêtait arbitrairement à l'époque, principalement les Juifs ou autres " indésirables ". Beaucoup plus tard, il fut utilisé pour l'hébergement des Harkis Algériens.
Cela pour expliquer que la nature et l'aménagement de ce camp ne nous laissait pas augurer un séjour de villégiature pour les 6 mois à venir (Octobre à Mars). D'abord, nous apprîmes à connaître un " Adjudant-Chef de Discipline " particulièrement sévère . En dehors des cours de comptabilité qui étaient un tant soit peu rébarbatifs, nous étions astreints à des exercices militaires bien plus stricts que ceux du Centre d'Instruction de Bletterans. Nous devions suivre successivement les pelotons pour le grade de caporal, caporal-chef et sergent, puisque ce brevet de comptable que nous préparions allait de pair avec les galons de sergent.
Seuls souvenirs agréables de ce Camp de Bias, ce fut les rares sorties qui nous étaient accordées et où nous pouvions aller chez les viticulteurs dans la campagne environnante, muni du bidon militaire (2 litres)et que nous rapportions rempli de vin de pays… un excellent blanc liquoreux, gouleyant et traître à souhait !
Souvenir plus cuisant fut celui des vacances de Noël -Jour de l'An que nous avions à tour de rôle, 8 jours les uns pour Noël, alternant avec les autres pour le nouvel an . Je faisais partie du premier contingent qui devait rentrer le 31 décembre. Mais comme bon nombre de camarades, prétextant que le 1er Janvier était férié, j'ajoutais ce jour férié au congé et réintégrais le camp avec une journée de retard. La punition ne manqua pas… chacun se vit attribuer 8 jours de prison, avec coupe de cheveux " à zéro intégral " . Nous devions poursuivre les activités normales pendant la journée et le soir, muni d'une seule couverture, nous allions coucher en prison, sur un bas-flanc de planches avec un maigre tapis de paille. Cet hiver 1945/46 fut particulièrement rigoureux, c'est dire que ces nuits de prison n'ont pas été une partie de plaisir. Comme nous étions très nombreux à devoir purger cette peine, pour le même motif, il avait été nécessaire de le faire par séries , par manque de place !
Je fus d'autant plus vexé de cette aventure que l'adjudant de discipline (…le chien de quartier), ayant su que j'étais de Louhans, pays du poulet de Bresse, et sa famille résidant près de Lons-le Saunier, m'avait demandé la faveur de faire parvenir un poulet à sa famille pour les fêtes ! Je pensais donc en toute bonne foi que ce jour supplémentaire de congé valait bien le poulet ! Mais le bougre ne l'entendait pas de la même oreille !
Malgré ces avatars, le stage se déroulait jusqu'à son terme, et je me vis attribuer successivement le grade de caporal, puis celui de caporal-chef et le brevet de comptable en fin de cursus, fin mars 46.

 

L'exposition des avions de la 2° G.M. sur le Champ de Mars.
 

Bias. Entrée de l'Ecole des Comptables de l'Air
 

Bias. Terre-plein central avec le drapreau

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Vue des sinistres baraques et du terrain de sports
 

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